Tu te souviens de moi, le premier jour où tu es arrivée, je t'ai prise avec moi et on ne s'est plus quittées. Meilleures amies, sœurs, on a enchainé les quatre-cents coups. Tu te rappelles toutes les filles dont on s'est moquées, tous les garçons qu'on a voulu?  Tu te souviens aussi des piques lancées innocemment, de la jalousie qui s'est installée au lycée? C'était presque plus de l'amitié, c'était celle qui aurait les meilleures notes, le plus de popularité, le meilleur petit copain, les plus beaux vêtements. On s'engueulait souvent, on se réconciliait à chaque fois. Jusqu'à ce jour, on allait obtenir nos diplômes, nous ne passions presque plus de temps ensemble. Tu avais tes amies de l'équipe de foot, j'avais mes amis avec qui je sortais chaque week-end. Ce jour-là tu es venue me voir, tu m'as dit que ça y est, c'était la fin du lycée, que nous allions rentrer dans l'âge adulte. Je venais d'être acceptée à Cambridge, tu allais faire tes études à Londres, tu m'as dit que la distance ne changerait rien, que tu voulais voir notre amitié perdurer. Mais je t'ai répondu qu'il ne fallait pas se voiler la face, que dans quelques semaines nous serions séparées et nos vies seraient définitivement trop différentes pour qu'on reste amies. Tu m'as dit que tu ne comprenais pas, je t'ai dit qu'il n'y avait rien à comprendre, que moi j'allais réussir ma vie, rentrer dans une grande fac, revenir, me marier avec un avocat ou un médecin et que toi tu resterai à pourrir dans ton minable studio à Londres. Je suis partie sans demander mon reste. Parce que tu t'en souviens peut-être pas, mais ce jour où je t'ai montré ce beau brun au fond de la salle de chimie, je t'ai dit qu'il t'avait remarqué toi, et moi non. Ce jour-là tu avais haussé les épaules. J'avais cru que tu irais le voir pour m'arranger quelque chose, pour me faire plaisir, mais tu es allé le voir pour l'avoir, pour toi toute seule, et ça, ça je ne l’oublierait jamais.