juillet 2004 - 19 ans On a tous connu ce fameux jour où notre réveil sonne et nous n'avons qu'une seule envie : l'envoyer virevolter violemment contre un mur dans un élan de folie. Ce qui aura alors comme conséquence d'avoir un sol jonché de débris qu'il nous faudra tôt ou tard ramasser mais, pendant un instant on pense au bonheur que nous procurera le simple fait de savoir que ce maudit réveil ne pourra plus sonner. Jeter son réveil, éteindre son téléphone et retomber directement dans les bras de Morphée. Tout semblait être bien enclenché pour une journée à la je-m'en-foutisme mais, pourtant Ryan avait oublié un léger détail qui, aussi insignifiant soit-il, allait lui gâcher sa journée... L'agaçante sonnerie de son téléphone portable, une suite incongrus de 'bip' en tout genre, eurent raison de lui et, se frottant les yeux, Ryan s'extirpa avec difficulté de l'endroit où il s'était jeté la veille pour se dirigeait vers la cuisine où était resté le fauteur de trouble. Celui-ci devait être abandonné sur le sol de la pièce depuis un bon moment au vu des nombres importants de messages et d'appels manqués. Encore endormi, il glissa son doigt sur la touche ignorer grâce à une légère pression, sans prêter attention au nom écrit en grosses lettres sur l'écran, avant d'éteindre ce dernier. Le voilà donc de retour dans un monde fait de courbatures et de maux de tête à en assommer un bœuf, à cause d'un misérable téléphone qui n'avait pas été éteint. Ce n'était pas le vacarme dans sa tête qui s'annonçait être le plus inquiétant pour les minutes à venir mais, plutôt le fait qu'il n'ait gardé aucun souvenirs de la veille. Il y avait bien une chose positive dans cette histoire: son père était au abonné absent. Pour changer. L'abus de shoot de vodka et de téquila avait certainement eu raison de sa personne. Et puis, voilà qu'à tout cela s'ajoutait une violente douleur dans son dos, s'il avait su que son canapé serait aussi inconfortable, pour sûr il en aurait acheté un autre ! Toutes ces pensées et conclusions hâtives de ses premières secondes d'observation par des yeux entrouverts, suffirent à rabattre le potentiel optimisme qui pouvait dormir en lui. Et, comme pour manifester ça, il émit un grognement dès plus délicat, enfonçant sa tête dans le coussin du canapé, un espoir naissant en lui. L'espoir d'y disparaître, se fondre dans le canapé et ne plus exister, échapper à la réalité, à ses huit appels manqués. Ne pas répondre au téléphone pendant une journée n'allait certainement pas faire de lui la personne la plus recherchée de tout Winchester ! Et puis s'échapper de ces odeurs de... de. Dans un froncement des sourcils plutôt sceptique, il releva la tête, examinant un instant ce dans quoi il venait d'enfouir sa tête. Temps de réaction prolongée exige, il mit de longues secondes avant d'envoyer valser le coussin, soupirant longuement. Au fond une pareille cuite et cette soirée avaient du bon, il venait enfin de comprendre pourquoi ses amis se plaignaient tant de son canapé ! Et quelle soirée. C'était un trou noir complet mais, pour sûr, cela avait été une sacrée soirée.

Le 8 septembre 2009, Winchester extrait du journal de Ryan Gallagher:
Je ne pensais pas devoir t’écrire à nouveau  après tout ce temps mais, je ressens le besoin de faire le point. Une adolescence un peu rebelle,  je dois l’avouer. Il m’arrive parfois de regretter d’avoir donné des cheveux blancs à mon père. Quoi que je continu à penser qu'il ne s'est jamais réellement intéressée à moi. Ou peut-être si, une fois ou deux. Je crois que je me rappellerai toujours cette expression de mépris sur son visage lorsqu’il était venu nous chercher, moi et Jake, au commissariat alors que nous nous  étions fait prendre avec nos fausses cartes d’identités. Tu sais, même si mes rapports avec mon père ont toujours été extraordinairement tendu et spéciaux, ce n’est qu’à mes dix-neuf ans que le fil invisible qui nous relié fut rompus. Je suis rentré un peu trop tard du lycée privé où il m’avait envoyé mais j’avoue surtout être passé chez Jake et être rentré à pas d’heure chez nous. Mon père attendait, dans le salon, et il ne supporta pas l’odeur d’alcool que je dégageais.  Il me provoqua et nos voix  ont commencé à s’élever. Bref, à partir de ce soir là, mon père devint encore plus absent. Qui aurait crû que c'était possible ? Si je t'écris aujourd'hui c'est que ça fait exactement treize jours et trois heures que je suis en cure de désintox. J'ai compris, maintenant. Demain à ma sortie, je serai un autre homme. Je mènerai une vie d'adulte raisonnable, une vie d'homme conscient de ses actes. Désintoxication, thérapie, à vingt-quatre ans, je décide de reprendre ma vie en main. Je ne cherche plus à nier mes erreurs ou à m'en libérer en les jetant sur le compte de la jeunesse et l'argent facile. J'assume mes faux pas et, un jour, qui sait, je pourrai faire bon usage de ces faux pas d'adolescent pour aider ceux qui traversent la même chose que moi.

mai 2012 - 27 ans Une caisse de bouteilles de whiskey dans les bras, Ryan faisait son maximum pour ne pas les laisser s’écraser en un fracas sur le sol carrelé et il se retrouvait alors à pousser les portes à l’aide de son fessier. Il détestait faire les fermetures du bar, quand bien même cela soit synonyme de solitude et de clame. Triste répartition des tâches. Son collègue ayant terminé avec vitesse le ménage, Ryan se trouvait là, courber, à ramasser un objet non identifiable du bout des doigts. Après l’avoir jeté, il s’essuya avec frénésie les mains sur le premier torchon à porter avant d’éteindre les interrupteur de la salle et de se diriger vers la sortie. Dehors, clés en main, Ryan tira avec force la porte coulissante qui se ferma dans un bruit métallique. Il s’apprêtait à la verrouiller lorsqu’une voix familière parvint à ses oreilles, provoquant en lui un certain nombre de sensation. « Ryan. » Emilia. Se retournant, il fit face à son interlocutrice. Ses yeux dans lesquels personne n’était parvenu à percevoir une seule once d’intérêt étaient rivés sur la silhouette familière de la jeune femme. Étrangement, son visage ne refléta aucune émotion, ne trahit aucune surprise. Bien vite, une envie de se rapprocher d’elle s’empara de lui, une envie de la toucher, comme pour s’assurer qu’elle était bien réelle. Dans l’esprit embrumé de Ryan ne tardèrent pas à défiler les images des moments qu’ils avaient vécu ensemble. Les moments qui avaient marqué l’étrange amitié qu’ils avaient d’abord partagée ; leur première rencontre, dans ce bar où il travaillait ; toutes les discussions qu'ils avaient tenu aux fermeture de ce même bar ; leur premier baiser ; leurs rencontres secrètes aux portes de la ville ; leur première nuit ensemble... Un regard à droite, un regard à gauche. Personne. Il réduisit d’un pas la distance déjà infime qui les séparait et, d’un geste si familier, replaça une mèche rebelle derrière l’oreille de Lya. Cette même mèche, il l’avait déjà remise en place une quantité de fois, et ce geste avait par conséquent une signification toute particulière – comme un écho des moments de bonheur qu'ils avaient partagé secrètement. Il mourrait d'envie de l'embrasser, là, maintenant, tout de suite, mais se retenait. Comme si une chaîne invisible l'empêchait de s'approcher un peu plus d'elle. L’amour fait souffrir, détruit et déchaînes les passions. Mais il arrive aussi que parfois, l’amour se transforme en une échappatoire. L’amour fait naître des Hommes mais les tuent aussi, le véritable amour sauve des vies. Il sauva Ryan, en quelque sorte.

février 2014 - 29 ans « Il semblerait que le tristement célèbre tueur en série est à nouveau frappé… » Aussi soudainement que le flash spécial était apparu sur l’écran de la télévision, l’écran de cette-dernière s’éteignit. Dans la salle, la plupart des regards s’étaient tournés vers la personne derrière le comptoir. Ryan, lui, télécommande en main, ne dit rien. On pourrait se méprendre à croire que tout lui avait souri depuis sa dernière cure de désintox. En apparence, il avait pris la relève du bar à la mort du propriétaire mais, en réalité, il venait à peine de rembourser les dettes que son ancien patron devait au fisc et, à présent, le bar remonte peu à peu la pente. Ryan est alors obligé de travailler d’arrache-pied pour ne pas mettre la clé sous la porte. Autant le dire toute de suite, sa vie professionnelle a irrémédiablement un impact sur sa vie privée. Emilia lui avait dit oui. Ils étaient fiancés. Pourtant, quelque chose dernièrement avait chamboulé tous les projets qu’il avait pu concocter. Lya changeait. Elle s’était remise à fumer et buvait de plus en plus, et Ryan lui s’inquiétait. Au fond de lui, il se doutait que ce brusque changement était directement lié avec l’arrivée de ce tueur en série dans la ville, mais il ne disait rien. Il avait bien pensé à quitter la ville avec elle. L’ailleurs lui semblait plus beau, plus agréable. Pourtant, Ryan n’a jamais formulé clairement son envie. Emilia a beaucoup trop à perdre. Son père, son frère, ses amis. Sa décision était prise. Pour lui, tout se résumait à protéger Lya. Même s’il avait peur. Peur de la perdre à cause de son travail. Peur qu’elle retrouve ce monstre et qu’elle ne fasse pas le poids. La peur est une vilaine sensation. Elle vous entrave l’âme, vous rend douloureusement si insignifiant écrasait par un poids que vos épaules ne peuvent plus soutenir. « Bonjour, Ryan. »  Tout se passa en une fraction de secondes. Ryan leva la tête, son regard croisa celui de son interlocuteur, et le verre qu’il tenait auparavant dans les mains explosa au contact du sol. Que faisait-il là ? Pourquoi revenait-il à Winchester ? Il n’allait pas tenir. Comme le pourrait-il alors que son ancien dealer était là, juste devant ses yeux ? Comment le pourrait-il maintenant qu’il est plus vulnérable que jamais ?