Bonnie reposa son portable avec fracas sur la seule et unique table qui meublait son petit appartement. La jeune femme était encore vêtue de son 'uniforme' de travail c'est à dire un tee-shirt avec le logo du supermarché, une veste polaire avec ce même logo et un badge qui stipulait 'Bonnie, à votre service !' Bien sur, elle adorait sa meilleure amie, bien sur c'était la fille à laquelle elle était le plus attachée, pourtant lorsqu'elle reçut un message de celle-ci l'invitant à la voir dans une espèce de bibliothèque-café au centre-ville, Hudson prit ceci comme une corvée. Elle n'avait pas franchement envie de la voir. La brunette avait l'impression que quelque chose avait changé, comme si tout ça n'était plus aussi naturel qu'avant. Peut-être était-ce à cause des flashs, des brides de mémoire sur la nuit où ses parents étaient morts qui la rendait plus susceptible et anxieuse que d'habitude. Peut-être que cela influençait son humeur et que ses relations avec les autres en étaient modifiées. Peut-être, peut-être, ou peut-être pas. Non, en fait Bonnie sentait que cela venait d'autre chose, comme si les deux filles étaient tout aussi proches qu'avant mais qu'elles s'éloignaient pourtant. Comme si elles ne se voyaient que pour s'engrainer, comme si elles ne se voyaient que pour que Mia ne lui rappelle à quel point elle souffrirait si celle-ci partait et la laissait seule. Bonnie Hudson avait l'impression de ne pas être tout à fait elle, de ne pas être tout à fait entière lorsque la jeune Hastings n'était pas avec elle. Pourtant, elle sentait que Mag s'en sortait parfaitement bien lorsque l'irlandaise n'était pas là. Et elle en souffrait en silence, cela la rendait jalouse, jalouse que sa meilleure amie puisse avoir une vie à côté, surtout lorsque Bonnie avait l'impression de ne pas en avoir. Elle finit par se doucher, s'habiller et se rendit à la rencontre de son amie. Elle entra dans le café et reconnut Mia et alla s'asseoir à sa table après lui avoir fait une légère bise sur la joue. Finalement, son visage se fendit d'un sourire. « J'ai été un peu longue désolée. »

Attendre. Attendre. Attendre. Sa meilleure amie sans vraiment savoir si elle allait venir. Elle ne savait pas quoi penser. Allait-elle venir ? Allait-elle lui poser un lapin ? En même temps, Mia le méritait. Elle était tellement odieuse avec elle. Qu’à force, elle la perdra. Et ce jour viendra plus vite qu’elle ne l’imagine. Pourquoi tout était si compliqué ? C’était sa meilleure amie, son âme sœur. Mais tout semblait sur le point de s’écrouler. Devrait-elle changer ? S’excuser ? Cela ne servait malheureusement à rien. Parce que c’était fini. Et qu’on ne pouvait pas revenir en arrière. Et c’est à cet instant, qu’elle préférait penser à autre chose. A son boulot. Son émission de radio faisait un tabac. Elle était heureuse de pouvoir réussir quelque chose. Même pour l’instant, elle était plus tôt optimiste. D’ici quelque mois, elle gagnerait encore mieux sa vie. Ne pas juger une personne sans la connaitre. Mia pouvait être aussi adorable que manipulatrice. Deux facettes qu’une seule connait parfaitement. Bonnie. Qui venait de se faire son entrer. Elle ne préférait pas afficher un sourire. Parce que cela trahissait le fait qu’elle avait espéré qu’elle vienne. Bien évidemment, lorsqu’elle s’approcha d’elle pour l’embrasser sur la joue. Elle était plus zen. Mais pour combien de temps ? Va pour cette fois, j’ai cru que tu n’allais pas venir. Même pas un tant fait pas. C’était ça son problème. Tout ce qu’elle pensait au fond. Elle ne le disait jamais. Par peur d’être ridicule. A force, elle avait l’habitude d’agir aussi méchamment avec elle. Que maintenant, c’était si naturel. Mais des fois, elle aurait aimé lui dire qu’elle était désolée. Qu’elle changerait pour ne pas la perdre. Mais sa fierté semblait plus importante de dire ce qu’elle ressentait. Alors ta journée. ?

La brunette ne fut pas vraiment surprise de l'apparente froideur de sa meilleure amie. Apparente ou pas. Bonnie ne savait pas, Bonnie ne savait plus. Mia la plongeait dans une espèce de confusion qu'elle n'aimait pas. La jeune femme aurait tant voulu retourner au temps où tout était plus simple et naturel entre elle. Mais maintenant qu'elle y pensait, elle n'était même pas sure que tout ça fut vrai, et si ça l'avait été, elle ne se rappelait pas vraiment ce que ça donnait. Non, elle ne savait pas sur quel pied danser, si elle devait ignorer les piques de son amie et rager en secret, rager seule le soir quand elle rentrait chez elle, vexée. Oui bien devait-elle répondre, au risque de lancer une énième croisade contre la jeune Hastings, au risque que celle-ci soit sans retour et que Bonnie perde Mia. Pourquoi avait-elle si peur de la perdre ? On en avait vu d'autres des filles qui perdaient leurs meilleures amies, elles étaient tristes puis elles se relevaient. Pourtant, s'il y avait une chose que Bonnie Hudson savait de certaine c'était son incapacité à se remettre de leur rupture amicale. Elle n'avait plus de famille et Mia était la seule personne qui était vraiment au courant de tout, dans les moindres détails, la seule aussi à qui elle avait confié les brides de mémoire qui lui revenaient par flashs réguliers. Sentant le ton de la jeune femme mordant, Bonnie répliqua sur la défensive. « On n'avait pas fixé d'horaire précis non plus. » Elle quitta sa veste et la posa à côté d'elle sur son sac à main en soupirant avant de reprendre sur un ton plus doux. « Tranquille, banal, inutile. Et toi ? » La brune se racla légèrement la gorge avant d'ajouter à demi-voix. « Je suis contente de te voir tu sais. »

Cette amitié qui semblait être sur le point de se briser pour de bon. Mia avait cette impression que plus le temps passait, plus elle allait la perdre. Malheureusement, elle n’était pas ce genre de fille d’essayer de rattraper. Elle était ainsi, réagissant bien trop tard. Trop tard pour lui dire qu’elle était désolée. Mais comment pouvait-elle aussi cruelle alors que Bonnie était si fragile. C’était la question qu’elle se posait sans arrêt. Mais elle ne pouvait pas y répondre. Alors elle essayait d’être zen. Mais le naturelle revenait au galop. Et il semblerait que Bonnie soit sur la défensif cette fois-ci. Elle fit comme si de rien n’était. Essayant d’être plus agressive dans sa réponse. Mais ce n’était pas évident, n’est-ce pas ? Donc elle préférait ne rien ajouter. Sinon ça allait partir en dispute. Et Mia ne voulait pas se disputer avec elle. Fallait pas croire mais cela l’affectait malgré tout. Sauf qu’elle ne le montrait pas. Elle avait toujours cette façon de faire croire que tout va bien, qu’à force, elle y croyait. Tranquille au boulot aussi. Et lorsqu’elle ajouta qu’elle était contente de la voir. Un sourire apparu sur ces lèvres. Je suis également contente de te voir. avec un sourire amusée. Tout en cherchant quoi d’autre à lui raconter. Fallait trouver. C’était déjà assez gênant de lui avouer ça. Au fond d’elle, c’était un moyen de lui faire comprendre qu’elle voulait se rattraper ou peut-être parce qu’elle était perdue de ce qu’elle ressentait envers elle. Tu sais que demain, je vais pouvoir passer en direct le soir, ils me font assez confiances. Toute contente.

La jeune femme cachait à peine la gêne qu'elle avait à se trouver près de sa meilleure amie. D'ailleurs était-elle toujours son amie ? La brune n'était pas douée avec les gens. Ça remontait au-delà de la mort de ses parents, cet accident, aussi terrifiant soit-il, n'était pas le déclencheur de tout. Oh, évidemment ça avait forcément influencé Bonnie. Peut-être que cela n'avait fait qu'accentuer l'indéniable mélancolie qui émanait d'elle. Mélancolie ou mauvaise foi. Parce qu'elle n'avait pas encore trouver ce qui la plongeait dans une sorte de torpeur perpétuelle, la jeune Hudson semblait vouloir faire payer sa vie minable à tout le monde. Elle se sentait sur le point d'exploser, elle sentait qu'il suffisait d'une petite étincelle pour qu'elle s'embrase. Mais elle ne venait pas la petite étincelle. Autrefois, Mia avait ce talent, illuminer la vie de Bonnie. Avant, lorsque son amie lui parlait ou simplement la regardait, elle avait l'impression d'être exceptionnelle, d'avoir quelque chose de consistant dans sa vie. Encore une fois, le temps avait réussi à prouver à l'irlandaise à quel point tout ça était furtif. Un peu comme la fumée qui se dissipe lorsque qu'on agite la main. La seule chose qui donnait un sens à la vie de Bonnie Hudson ces derniers temps étaient les visions de la nuit où ses parents étaient morts. Elle aurait voulu partager ça avec Mia, comme avant, mais ça lui semblait si difficile. Comme si le réseau ne passait plus entre elles. Un léger sourire passa sur ses lèvres. « Wahou, tu commences à peser dans le milieu, tu vas devenir une vraie star. » Elle croisa ses bras sur la table, fixant la jeune femme en face d'elle. Sa Mia à elle, celle d'avant lui manquait, elle avait aimé cette fille, mais elle ne pouvait pas ignorer qu'elle n'était pas non plus la même Bonnie. Elle finit par baisser les yeux, penaude, gênée, et nostalgique.