Arganda del Rey; Espagne« Je tiens à le préciser; je ne suis ni saine ni contrôlable. Me fréquenter, c’est comme attraper la peste : on n’en guérit pas. Maintenant que vous êtes au courant, c’est à vos risques et périls, je vous aurais prévenus. Malgré tout, si vous avez fait le dur choix de m’avoir dans vos vies, vous devez savoir quelques petits détails sur moi. Détails certes, mais comme je n’aime pas expliquer qui je suis, prenez en note et qu’on en reparle plus. Je suis dure, froide, efficace et complètement déboussolante. Je ne vais pas par quatre chemins pour dire ce que je veux dire, même si mes mots peuvent blesser, honnêtement, je m’en balance. À vous de vivre avec, ou pas. J’ai une grande gueule et je tiens toujours à avoir le dernier mot. Tenez-vous le pour dit, j’ai toujours raison et celui qui a tort, c’est vous. N’essayez pas de me contredire, vous courez à votre perte d’avance. Je suis complètement et définitivement une de ces personnes qui se définit comme marginale, indépendante et fière de l’être. Être comme tout le monde ne m’a jamais tenté, je n’ai jamais tenté l’expérience et je ne crois pas essayer d’ici les prochaines années. Je fais mon propre chemin, que vous soyez là ou pas, je m’en contrefous. La vie se poursuivra sans vous. De toute façon, je n’ai besoin de rien ni de personne pour être heureuse. Mon bonheur, passager pour la plupart du temps, c’est moi-même qui le construis, et quelques-uns de mes meilleurs amis, les pilules de tout genre, ce qui se fument, se sniffent et se boivent. Comme vous pouvez le constater, je suis une personne plutôt controversée qui sème la pagaille sur son passage. »
Ça, c'était moi à 17 ans. Plutôt controversée comme personne? Oui, certes, je vous l'accorde. Disons que la fameuse crise de l'adolescence, je l'avais vécue dans tous les sens du terme. Cet épisode est tout droit sorti d'une superbe cure de désintoxication où mes richissimes parents m'avaient envoyée de force. Aujourd'hui, je ne leur en veux pas. Même que secrètement, je leur en suis reconnaissante. Mais à ce moment de ma vie, je faisais tout pour perturber le plus de gens possible autour de moi. Et voilà pourquoi ....
Arganda del Rey; play back on my life« ARRRRRRRRRRR! » Mon père m’énervait, ma mère m’énervait, ma sœur m’énervait, la caissière m’énervait et ma voisine me tapait royalement sur les nerfs. Bref, la terre entière semblait s’être donné le mot pour avoir l’air bête et gâcher le peu de joie qui m’était donné d’avoir. C’était une de ses journées pénibles où l’on a envie d’abattre chaque air bête à coups de tronçonneuse. Vous voyez le genre, j’imagine. La famille Hopkins, c’était le comble de l’hypocrisie. Il fallait susciter l’envie des autres, les autres étant dans ce cas de figure les gens pauvres qui passent leur vie à se battre pour avoir de quoi nourrir la totalité de leur famille, et prouver que les Hopkins étaient meilleurs que les autres.
Foutaise. Qui pourrait être assez idiot pour croire un seul instant que cette famille de dégénérée – en l’occurrence la mienne – était meilleure que les autres? C’est dans un environnement où l’argent et le pouvoir ne font qu’un que j’ai grandi. Aussi bien vous dire que cela a été l’élément déclencheur de ma rébellion. Ma mère, espagnole d'origine, avait épousé mon père pour son argent - dans ma tête, cela a toujours été clair qu'elle ne l'aimait pas réellement. Pour mon père, d'origine anglaise, c'était l'occasion de marier une belle et jolie espagnole docile. Ils ont longtemps vécu à Londres où il avait fait fortune, mais ont déménagés dans une petite ville d'Espagne pour que ma mère puisse « se réconcilier avec ses origines ». Alors, à ma naissance, même si sur mon baptistère je suis à la fois espagnole et américaine, on me retrouva dans cette petite ville perdue. Bref, comme je disais, j’étais le mouton noir de la famille, celui impossible à dresser, qui fume, qui boit, qui se drogue, et qui, au grand dam de mes parents, n’a aucunement l’intention de suivre les pas de sa parfaite grande sœur. Misère, sortez-moi de là quelqu’un!
« N’oublie pas chérie, ce soir nous recevons des membres importants du gouvernement. J’attends de toi que tu sois charmante et polie.» Ah oui! Avais-je oublié de mentionner que mon père, profitant de l'économie misérable de cette petite ville minable, avais décidé de montrer ses acquis et de faire un « don incroyable » au gouvernement. Cela a eu comme répercussion que toutes nos réunions familiales se retrouvèrent avec un membre important du gouvernement. Pire que la royauté, croyez-moi.
« Aussi bien prendre une corde et faire un nœud. Cela vous épargnera de devoir regarder l’incompétente Sanders à l’œuvre. » Ma mère avait feint ne rien entendre et la vie avait poursuivi son cours. C’était continuellement ainsi dans la famille, soit insupportable. Mes parents feignaient avoir une fille digne et ma sœur m’ignorait tout simplement, c’était beaucoup plus facile ainsi.
Le corps de Talynda gisait, encore chaud, sur une marre de sang qui continuait de s’agrandir à mesure que les secondes passaient. Elle semblait paisible dans cette position, même si son corps restait déformé par l’impact qu’il venait de subir. C’était comme si elle attendait cette libération depuis longtemps, on pourrait presque déceler un sourire satisfait sur ce qui restait de son visage. Il faut dire que l’idée que j’avais eue n’était pas très brillante, surtout après avoir englouti une quantité incalculable de pilules volées à ma mère. Nous avions décidé de monter dans la vieille citerne d’eau qui surplombait la ville. Ce n’était pas la première fois que l’on entreprenait ce geste illégal, mais certainement la dernière pour ma meilleure amie. C’est à cet endroit que Talynda a glissé et est tombée.
« Imbécile, je savais que ce n’était pas une bonne idée. » « Et comment aurais-je pu deviner que cette idiote de Taly tomberait?! » Comme seule réponse, j’eus droit à des yeux remplis de désapprobation de mon meilleur ami, Lloyd. Notre amie venait de mourir et je me sentais terriblement coupable. Avant cet accident, nous étions toujours tous les trois fourrés ensemble. Mais depuis, Lloyd et moi avons pris des chemins différents. Il a lâché la drogue pour se concentrer sur sa vie, alors que je me suis enfoncée encore plus dans la débauche et la dépendance. Cette étape de nos vies a marqué une différence creusée entre nous deux et à Arganda Del Rey, cette
puta merdia de ville, j’étais désormais vue comme la meurtrière de Talynda.
Winchester, UK. The chance.Une année avait passé, mais je n’avais pas oublié. D’ailleurs, personne en ville n’avait oublié. Des commémorations quotidiennes étaient faites pour la talentueuse Talynda qui avait un avenir prometteur, avait-on dit. J’étais celle qui avait gâché tout ce talent et qui avait conduit Taly vers un tout autre destin. On me reprochait sa mort, et j’en prenais le blâme sans riposter. C’en était beaucoup trop pour la famille Hopkins et leur précieuse réputation. Mes parents rassemblèrent tous les biens que nous avions et nous prîmes la direction de Winchester, histoire d'aller dans un environnement où nous n'étions pas encore connus. Bien entendu, mon père retrouva de ses grands amis dignitaire de l'armée royale et machin truc - bon j'invente, mais honnêtement je n'en ai rien à balancer de savoir d'où le Duc de Troubadoure venait. Tout ce qu'il y a d'important à savoir, c'est qu'il y avait toujours du monde de la haute importance dans notre gigantesque maison et que chacun de nos gestes étaient surveillés.
« Bonjour, je m’appelle Sasha, j’ai dix-huit ans, et je suis dépendante. » « Bonjour Sasha. » C’était idiot et complètement inutile. Mais ma mère insistait pour que je suive cette thérapie sur les dépendances. Honnêtement, c’était comme de se retrouver chez les alcooliques anonymes, mais avec des dépendants affectifs et des héroïnomanes. Beaucoup plus attrayant au niveau des histoires personnelles de tous et chacun, mais pas nécessairement utile. Quoi qu’il en soit, si je voulais toucher à l’allocation mensuelle familiale, je devais me pointer à toutes les réunions de ce foutu comité. Depuis la mort de Talynda, ma dépendance aux diverses drogues n’avait fait qu’augmenter, ce qui avait poussé ma mère, dans un dernier effort de sauver sa fille indigne, à m’inscrire à ces débilités. Je m’étais présenté à toutes les réunions, et j’avais même eu un parrain, un ancien sans domicile fixe accro aux seringues. Mais bon, c’était mal me connaître que de croire que de quelconques réunions pourraient changer quoi que ce soit à ma situation.
« Sasha Hopkins? » « Présente. » « Content de voir que vous nous honorez de votre présence pour une fois miss Hopkins. » J’avais simplement soupiré. Ces cours de médecine me purgeaient et comme j’avais manqué la totalité des cours que l’on pouvait manquer, je n’avais plus le choix de me présenter à ceux restants. Encore une fois, c’était mes parents qui avaient pris la décision de m’inscrire en médecine à l’Université. Ils se donnaient le droit de régir ma vie entière puisqu’ils avaient une chose que je n’avais pas : de l’argent. Et comme j’étais une Hopkins, je me devais d’avoir un métier d’une grande importance. Bien entendu, je n’avais pas mon mot à dire. Les papiers étaient envoyés, mon inscription était payée et je me devais de suivre les cours tout en obtenant mon diplôme à la fin de mes études. Encore une fois, la peur de la coupure des allocations mensuelles planait sur ma tête. Et comme tout le monde sait qu’une toxicomane ne peut pas faire long feu sans argent, je suivais simplement ce qu’on me disait de faire, avec le vain espoir de me trouver éventuellement une porte de sortie. J’avais cependant instauré mes propres conditions. Je voulais mon propre appartement, payé par mes parents bien entendu. Ils ont évidemment accepté sans broncher, trop contents de s’être enfin débarrassés de moi.
Winchester, UK. A new beginning.Bon, je n'avais pas chômer à faire suer mon paternel, mais après toutes ces journées et ces soirs à étudier dans un domaine qui ne me plaisait pas, j'avais fini par prendre une ultime décision : enfin me prendre en main. Il était plutôt temps après toutes ces années perdues, n'est-ce pas? J'ai donc quitté ces études pourries en médecine pour aller dans un domaine qui m'intéressait réellement : la sécurité policière. Mon père a fait planer durant quelques mois l'annonce d'une perte d'allocation mensuelle pour payer mon loyer, mais je crois bien qu'au final il n'a tout simplement pas eu le coeur de le faire. Voyant probablement que je me prenais enfin en main, il a dû avoir pitié de moi et m'a laissé faire mes propres choix. Quoi qu'il en soit, j'ai pu étudier un domaine qui me plaisait et qui me motivait réellement. Par ce choix, j'ai également changé de comportement. Terminé l'abus de drogues, réduire ma consommation d'alcool, j'allais désormais être raisonnable. Bon, mon caractère de cochon n'allait pas partir en une journée, mais c'était déjà un bon départ, right ?
« Tu es la prunelle de mes yeux, je ne voudrais pas que tu me quittes, tu es trop importante. » Cette phrase, je l'avais entendu des millions de fois. Petite douceur à mes oreilles pour les premières fois, c'était ensuite devenu insupportable à entendre. Cet homme, l'homme marié qui trônait nu en plein milieu de mon appartement à chaque mercredi 16h, lorsque sa femme faisait ses emplettes quotidiennes. Au début, il me faisait du charme et je n'ai pas pu y résister. Puis, il me faisait de belles promesses d'amour éternel et de vivre notre vie à deux, loin de tout. Finalement, il était devenu un robot automatisé dans les phrases merdiques d'amour.
J'en avais assez. Assez d'être éperdument en amour avec un imbécile heureux. C'était trop, trop pour mon petit coeur fragile. Fini les déceptions amoureuses, avoir du plaisir sera désormais ma phrase magique.
« Pequeño imbécil, me hiciste uno de estos miedos! » Raleigh me regardait d'un regard amusé, trop heureux d'avoir réussi à me faire fâcher. Il adorait que je sorte mes phrases espagnoles à la con, alors il en profitait le plus possible pour me titiller jusqu'à ce que j'explose. Il le savait bien : la seule façon pour que je parles espagnol était lorsque moi-même je m'y attendais le moins. Pour le reste du temps, je savais parfaitement me contrôler. Raleigh, c'était mon
partner in crime. Pour les travaux d'équipe dans notre formation policière, pour les lunchs, pour ce moment où j'ai dû lui avouer ma relation à un homme marié, pour nos sorties dans les bars où je l'encourageais à draguer des filles ... Bref, mon pote, mon ami.
« Allez, c'est le temps de célébrer la fin de cette merdique formation. Je te paye la première tournée. » Et puis ce soir-là, nous avons bu nos vies à en oublier qui nous étions. C'était le moment où nos vies d'adultes commençaient réellement, le début de tout. Il fallait bien célébrer. Mais dans cette folle nuit, à travers des baisers échangés à l'arrière de sa voiture, un petit pincement au coeur se faisait ressentir. Serait-ce mon coeur froid, chargé de glace, qui fondait tranquillement? Bons comme nous étions dans le dévoilement de cet événement et de tout événement perturbant, nous avons tenu cette histoire morte. Après tout, j'avais mon affectation et il avait la sienne. Nos chemins allaient se séparer pour de bon. Cela ne me servait strictement à rien de dévoiler quoi que ce soit. Alors, en bons potes que nous étions, cette histoire s'est effacée de notre mémoire coulée dans l'oubli de l'alcool.
La nuit, cette ville me fout la trouille. Ouais, j'aurais plutôt honte de l'annoncer en publique étant donné ma carapace énorme, mon orgueil gigantesque et mon statut de policière. C'est qu'en vérité, je n'ai jamais réellement compris le besoin des criminels. Qu'est-ce qui poussait un individu à l’apparence normale à s'en prendre à d'autres êtres humains ? Dans quelle situation une personne se trouvait-elle pour prendre l'ultime décision d'enlever la vie d'un autre individu? Non, je ne comprenais pas.
« Sash', lâche-le » « Ce pourri ira en prison, crois-moi! » Pour moi, les criminels sont des bestioles qu'il faut exterminer et j'en ai presque un plaisir malsain. Autrement dit, j'ai beaucoup de difficultés à me contrôler lorsque je dois faire l'arrestation d'un meurtrier en série ou d'un pédophile. Mais mon métier, c'est ma vie. Cette passion, c'est ce qui ma sorti d'une vie dévorante et remplie de mauvais herbes. Alors, je fais tout ce que je peux pour arrêter le plus de « dangereux » possible.
« Cunnings ? » Oui, c'était bel et bien lui. Nos chemins se sont de nouveau recroisé, avec les mêmes vieux sentiments de la dernière fois. Mais cette fois, la situation est tout autre. Raleigh avait une histoire passionnelle avec une prénommée Grace et il semblait heureux. En bonne amie et surtout en coeur meurtri que je suis, je n'allais certainement pas me mêler de leurs histoires. Aussi bien rester amis et c'est tout. Après tout, il sera plutôt facile d'enterrer de vieux sentiments ... non ?!