« Tagueule j’te dis putain… » J’enserre son col si fort que je sens pratiquement les coutures craquer sous mes doigts, il tremble : « Mais … j’t’assure qu’j’ai rien fait Trey, je te le jure… Pitié laisses moi partir, j’ai rien fait … J’ai des gosses Coleman, bordel, tu peux pas les priver de leur père ! » Si je le lâchais il ramperait à mes pieds en implorant ma pitié, ce mec n’a donc aucune estime de lui. Il me donne envie de vomir. Je le décolle un peu du mur contre lequel je le plaque et le projette de nouveau en arrière, son crâne tape si fort contre la pierre qu’on entend un « toc », je ris : « Sérieux, ferme là, t’es tellement misérable que tu me donnes la gerbe. Tu sais même plus comment s’appellent tes gosses, comment tu peux oser implorer ma pitié en prétextant que tu vas leur manquer ?! T’as aucune figure, pauvre con. » Il secoue la tête, me jure qu’il a rien fait, il tremble sous mes doigt et j’ai honte pour lui. Doucement je le relâche, mais ne recule pas, il est compressé entre le mur et mon torse et je lui lance un regard qui lui signifie clairement : « Si tu bouges, j’te fous une balle entre les deux yeux et on en parle plus. » Il me connait, il sait que je tergiverse pas pendant des décennies, quand il faut agir, j’agis, point barre. Trey, mon second prénom, celui sous lequel on me connait dans le gang. J’ai jamais donné mon vrai prénom, je me protège un tant soit peu, je suis pas fou, j’ai pas envie qu’on crie sur tous les toits qu’Ezékhiel Coleman est un truand. « Allez Trey, tu sais que j’y suis pour rien dans cette histoire. Le boss m’a obligé, j’ai pas pu dire non. Il a promis que si je faisais pas ce qu’il demandait et il me retrouverait et me les couperait … Et tu sais que quand il dit un truc, il tient ses promesses merde ! Je veux pas me retrouver sans couilles. » Ah ça ! Sans ses bijoux de famille il ne serait plus capable de rien foutre lui : « Eunuque ! » Il fronce les sourcils : « Non moi c’est Luck » Je lève les yeux au ciel : « T’es vraiment con ! Eunuque … Si t’avais pas fait ce qu’Ivanov voulait que tu fasses, tu serais devenu Eunuque, tête de pioche. » Le gars baisse les yeux, ses épaules s’affaissent, il ne sait plus quoi faire. Je secoue la tête, lui tourne le dos et me casse. J’ai d’autres affaires à régler.

« Bon alors, c’est qui ? » Je secoue doucement la tête en le ragrdant, assit sur sa chaise, en arrière, le dos calé contre le dossier, je le vois presque entrain de poser ses pieds sur la table. Il me lance un regard de défis. Il se prend pour le boss, il croit que j’ai peur, que je flippe, que je me pisse dessus, mais je lui pisse à la raie surtout ouais : «On pourra dire ce qu’on voudra, mais les membres d’un gang se balancent pas, mec ! C’est pas comme vous les flics, vous êtes tous ripoux, vous hésitez pas un seul instant. » Les dents serrées, il émet un son entre le gloussement et le grognement, visiblement ma remarque ne lui a pas plu. Un sourire en coin apparait sur mes lèvres, la provocation, j’adore ça, de toute façon je sais déjà où va me mener cette histoire : dans une cellule où je passerai un certain temps en guise de punition. Mais de toute façon ils ont qu’à me coffrer, plus rien me retient. Plus de famille, plus d’amis, pas de copine, rien. Ah si mon hamster : Hervé. « On savait qu’on avait une taupe, mais c’est pas ce qui nous a empêché d’agir. Si on l’a fait c’est parce qu’il fallait que ça soit fait. Crois pas que j’adore coller une balle dans la tête de tous les mecs que je croise. T’es marrant toi ! Vous pensez ça, vous, les flics. Vous pensez qu’on tue par plaisir, que c’est notre crédo. Mais non. La plupart du temps les mecs qui font partie d’un gang c’est parce qu’ils sont seuls. Pas parce qu’ils ont besoin de tuer pour survivre. On est des hommes pas des bêtes. Enfin j’te dis tout ça mais tu t’en branles, t’attends juste de pouvoir me plaquer la tête contre la table en me disant que je suis qu’une merde et que je mérite que ce qui m’arrive. Tous les gangs de sont pas les mêmes. Et tous les membres ne se ressemblent pas ! » De nouveau, il émet ce petit son entre le rire et le grognement puis se lève d’un coup, faisant tomber sa chaise en arrière. Ses mains claquent sur la table et il se penche vers moi, fou de rage : « Tu penses que tu vas m’apprendre la vie merdeux ?! T’es qu’un pauvre gosse qui a voulu jouer les caïds. Tu voulais impressionner ta copine c’est ça ? Tu penses que c’est cool de buter des mecs .. ?! » Son expression me crispe, il se croit vraiment supérieur – certes il est mon ainé d’au moins dix ans, mais ce n’est pas une raison. Il ne me connait pas. Il ne sait pas pourquoi j’ai agis comme ça. Ma patience en prend un coup, et je perds mon sang froid. Je me lève d’un bond à mon tour, les mains menottés sur mon ventre : « Coffrez moi, faites ce que vous voulez,  j’ai plus rien à perdre. Cette pourriture ne mérite que ça ! Mais vous ne savez pas pourquoi … Il était tellement intouchable. Vous savez parfaitement qu’il a tué des dizaines de personnes et pourtant, vous préfériez vous occuper de délits mineurs. Vous aviez trop peur de vous faire descendre pour l’avoir choppé. Sauf que mon gang et moi on a eu les couilles d’agir. Et si c’est moi qui lui ai foutu cette putain de balle entre les deux yeux c’est pas pour rien … » Je m’arrête, le fixe. Je suis tellement excédé que mes jambes en tremblent. Le flic me fixe dans les yeux, attendant la suite, il sait que je vais lui révéler quelque chose. « Si j’ai tué Shank c’est parce que … Parce qu’après avoir violé ma sœur a plusieurs reprises, il l’a torturée … et l’a laissée pour morte dans le caniveau. Saut qu’elle l’était pas. Elle est décédée trois jours plus tard, à l’hôpital. Ma sœur avait … » Les larmes me montent aux yeux. J’ai la gorge serrée et comme à chaque fois que je parle de ma petite sœur, la bile me remonte dans la gorge, j’ai envie de vomir. J’en fais encore des cauchemars. A chaque fois que j’entends une enfant rire j’ai l’impression que c’est elle. J’étais en charge de Mary, je devais prendre soin d’elle. J’étais le seul qui pouvait le faire, nos parents étant décédés dans un accident de voiture. Elle comptait sur moi. Mais cet enfoiré lui est tombé dessus, et il me l’a enlevée. « … Ma sœur n’avait que quinze ans. Il m’a pris tout ce qu’il me restait, tout ce qui comptait le plus pour moi. La vengeance. C’était le seul moyen que je retrouve un peu la paix. Alors je lui ai pris sa vie. Comme il a pris celle de ma sœur. Et encore, je me suis retenu. Je voulais lui faire subir l’enfer qu’il avait fait vivre à Mary … » Je baisse la tête, je ferme les yeux pour empêcher les larmes de couler : les hommes ne pleurent pas devant témoin. Puis je me rassois. Je sais déjà que je vais aller en prison, mais ce n’est pas pour rien. J’ai pu venger ma petite sœur. Je sais que tuer le tueur ne ramènera pas la victime, mais ça me soulage un peu.

Le cliquetis de la serrure retentit dans le couloir mal isolé et odorant. Je souris. J’ai déjà habité dans des taudis, ça ne me changera pas beaucoup. « Ouaip, au 312. Ah non c’est pas l’appartement qu’on avait. Enfin du moins l’immeuble est vraiment infame. J’attends de voir ce que je peux faire de l’appartement. Au pire un petit coup de peinture, et c’est ok. » Charles, mon ami de toujours est au bout du fil. Je sais que je lui manque – car il me manque tout autant. On a grandis ensembles, comme des frères, mais avec mon petit séjour en prison on s’est perdus de vue. Puis à ma sortie, j’avais interdiction de retourner dans ma ville et de rester proche de mon gang c’est pour ça que je me suis barré de là-bas et que j’ai atterri ici, à Winchester. Je vais commencer une nouvelle vie. J’entre dans mon nouvel appartement. En effet, ce n’est pas vraiment un palace. Mais ça fera l’affaire pour une garçonnière. « Ca mérite un bon rafraichissement, mais j’vais pouvoir en faire quelque chose. C’est relativement grand d’ailleurs. J’ai une chambre d’ami … » Lui dis-je. Je sais qu’il n’attend que ça « Cool, je viens quand ? Tu sais bien Zekh que je vais pas te lâcher… » Je ris. Non ça c’est sur, il ne va pas me lâcher. Je claque la porte à l’aide mon pied et m’avance jusqu’à la fenêtre. J’ai apporté le journal local, faut bien que je me trouve un job. J’ouvre et regarde les petites annonces : « Ah Charles, j’ai trouvé un taf ! » Il grogne je ne sais quoi à ses enfants à l’autre bout du fil puis me répond : « Hmm laisse moi deviner … Gogo danceur ?! Ahah Non je dirais garagiste ?  C’est ce que tu sais faire de mieux, bricoler les vieilles bagnoles. » Je soupire avant de rire à ses paroles : « Tss, qu’elle est la meilleure manière de faire des rencontres et de voir comment fonctionnent les gens ici ?! Devenir Barman … » Pas la peine de chercher plus loin. Je serais barman.

Ca fait à présent quatre mois que j’habite à Winchester, je m’y suis fait. La vie est plutôt tranquille mise à part le tueur en série qui court dans la ville. Ca affole du monde. Personnellement j’en ai rencontré plusieurs en taule, ils sont tous devenus tarés – bien qu’ils soient déjà avant – mais la prison à perpette ça en chamboule plus d’un. D’ailleurs j’ai assisté au suicide de l’un d’eux. Tant mieux. Faut qu’ils disparaissent de la surface de la terre ces mecs.
J’ai même fait la rencontre d’une charmante demoiselle, Dylan, on travaillait ensembles au Bar, mais visiblement les ragots vont vite et elle a rapidement su que je sortais de prison, après avoir buté un gars. Comment repousser une femme en deux secondes trente. Bingo. Elle me fuit comme la peste, arf les femmes. Si seulement on me laissait le temps de m’expliquer un peu, on verrait que je ne suis pas le monstre qu’on pense.  
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