Ah maman, j'arrive enfin à t'avoir au téléphone ! Bon, avec Joshua on vient de partir de la maison donc je pense qu'on sera là vers 20h30. J'essaie de me dépêcher, je n'aime pas trop conduire de nuit, avec cette neige en plus.. J'ai eu papa et il viendra vers 21hoo. Tu sais qu'il a une nouvelle copine ? Non, une nouvelle de 35 ans. Pas de scandale ce soir, tu me promets ? C'est noël, j'ai envie que tout se passe bien. Au fait, j'ai une grande nouvelle à t'annoncer ! Le test était positif.. On en parle quand j'arrive, Josh m'engueule parce que je téléphone en conduisant, un vrai trouillard. Je t'aime. Et puis tout se passa très vite. Je me rappelle que Josh a crié mon prénom. En une seconde, ça m'a tétanisé. Je n'ai même pas eu le temps de comprendre ce qu'il se passait, je n'ai même pas eu le temps de voir le camion arriver à gauche. Je me rappelle juste une immense douleur et une chaleur atroce.. Et puis plus rien. Je me souviens de mon réveil à l'hôpital, ces murs blancs avec ses lumières froides. Je déteste les hôpitaux. Des médecins sont arrivés, affichant des visages tristes et gênés. Il y avait de la pitié dans leur regard. Ca, je m'en rappellerai toujours... Je savais déjà ce qu'ils allaient m'annoncer, et je n'avais pas envie de l'entendre. Je tourna la tête vers la fenêtre de la chambre. Le soleil rayonnait dehors. J'avais envie d'être un oiseau. Les oiseaux, ils ne pensent pas. Ils volent, libres. Et c'est tout. Je veux.. être un oiseau. Ils ont dû me prendre pour une folle. Mais j'en avais le droit, je venais de perdre mon mari et mon futur bébé. Qu'ils aillent au diable.

J'ai dû mettre deux mois pour recommencer à manger et communiquer avec les autres. Le pire, c'était les crises d'hystérie. La rage me submergeait, et alors là, j'avais envie de tout casser, et tuer tout le monde. Alors les médecins venaient avec des seringues et m'attachaient pour me calmer.  Et puis un jour.. Tu te réveilles, et tu as envie de vivre. Tu sens le soleil sur ta peau, tu sens toute cette vie autour de toi, et tu as envie d'en faire à nouveau partie. Je suis en vie : cette phrase qui sonnait comme un malheur il y a quelques temps, redevenait un plaisir. Au début, c'est dur de retourner à la réalité. Tu dois retourner dans cette maison hantée par lui, pleine de vos souvenirs. Et puis tous ces gens pleins de compassions, ça me donnait envie de vomir. Toutes les tartes au citron du monde ne me feront pas oublier ce que j'ai vécu. Mais tu souries poliment en affirmant qu'elle à l'air délicieuse, ce sera parfait pour le dessert. Même si j'en ai déjà 6 et que je déteste le citron. Pauvre conne !

Et si on habitait ensemble ? Je me figea un instant. Heureusement, j'étais en train de faire la cuisine, dos à mon petit-ami, et il ne put voir l'angoisse apparaître dans mes yeux. Il vint derrière moi pour me prendre dans ses bras. Tiens, goûtes-moi cette sauce, c'est délicieux ! Y a un ingrédient secret. Tu trouves pas ? Hé mais on a pas sonné à la porte ? J'ai entendu un bruit. Je vais voir ! Il n'avait pas ouvert la bouche que j'étais déjà à l'autre bout de l'appartement. Il me retrouva quelques instants après dans le salon. Cette idée est aussi repoussante pour toi que tu t'échappes rien qu'en y pensant ? Pourquoi tu veux tout compliquer ? On est bien comme ça non ? On s'amuse, on est amis, on passe du bon temps. C'est super. Un jour faudra que t'avances Grace. Et si tu dis encore une fois qu'on est amis, j'te jures que j'me barre et tu m'revoie plus. Je fis comme ci je n'avais rien entendu et il retourna dans la cuisine. Je savais qu'il avait raison, mais pour rien au monde je ne l'aurai admis. J'aimais ma vie à présent, légère et sans prises de tête. Du moins en apparence. Désormais je mettais tout en oeuvre pour que ma vie aies l'air parfaite aux yeux des gens. J'avais ma petite galerie d'art, j'avais mes parents toujours présents, des amis formidables.. Et puis lui, rencontré 6 mois plus tôt. Il était tellement différent de tout ce que j'aimais. Il avait 6 ans de moins, était insouciant, un peu macho, dragueur, je m'en foutiste. C'est vrai qu'il me faisait tout oublier, il supportait mon rire de hyène étrange et mes hystéries démesurées. Et je me sentais en sécurité avec lui, surtout avec les drames que connait la ville. Mais je n'étais pas prête à l'admettre. L'aimer, ce serait comme une trahison.