Un homme que je connaissais à peine m'avait invité à dîner. J'avais accepté. Pourquoi? D'habitude, j'étais quelqu'un de très méfiant, je ne fais pas confiance comme ça, je suis toujours à l'affût. Je l'avais été mais finalement, cet homme au nom de Nathaniel s'avérait même m'intéresser, enfin dans le sens où sa passion pour l'écriture historique m'avait rendu dingue et que j'avais su oublier deux secondes que j'étais flic et - je n'allais pas mentir - c'était pas mal agréable pour une fois. Depuis que mes parents se sont fait tués pour me protéger dans cette banque à Barcelone et que ce flic m'a adopté, je suis un flic. Je n'ai jamais été autre chose. Une femme forte qui fait plus peur qu'elle ne plaît. Féminine avec une arme et habillée en noir, sans sourire, cheveux très longs en queue de cheval serrée. Cela excitait, souvent et j'en avais profité parfois mais je faisais vraiment attention. Là, j'avais baissé la garde et je me sentais pour autant bien. Alors je ne sais pas, peut-être que c'est cela qui m'a fait dire oui, avant de repartir dans mon bureau, l'endroit de ma vie. Le soir, je rentrais chez moi. Il fallait que je sois une femme à ce dîner. Pas la flic. Je voulais vraiment être la réelle Ana-Lucia, je voulais la faire découvrir et je ne sais pas, peut-être que Nathaniel était un test pour voir si elle plaisait enfin... On verra. Alors, je décidais de montrer mes tenue féminine, réellement féminine mais sans trop faire - ce n'était pas un rendez-vous galant ou que sais-je enfin, je ne le savais pas. Mais je me laissais les cheveux détachés, juste les mèches de devant accrochées derrière et une robe un peu saumon, des talons, mon sac (avec mon arme) après une douche et un remaquillage rapide - je ne me maquille pas beaucoup, je mets juste en valeur mes beaux yeux - que j'adore d'ailleurs. On allait quand même au restaurant donc bon... Je lui avais donné rendez-vous quelque part un peu plus loin de chez moi sans lui dire - j'étais quand même un peu méfiante. J'attendais, sa voiture arriva et se gara. Bonsoir lui dis-je alors avec un petit sourire. Photo ici

J'ai dû passé près d'une demie-heure dans la boutique du fleuriste de mon quartier. Au cas où vous vous poseriez la question, ce n'est pas là que j'achète mes roses. Je ne savais pas quoi lui offrir. Je ne pouvais pas lui offrir de rose, surtout pas et ni aucune autre fleur à l'unité. C'est bien trop flagrant ! Au bout d'un moment, parce que je n'ai pas eu d'autre solution... j'ai pris le plus banal. Un tout petit bouquet de gerbera. C'est plutôt simple, pas trop en rapport avec une quelconque invitation à plus. C'est juste ce qu'il faut. Je l'ai pris dans les tons oranger. Je ne connais pas sa couleur préférée, donc bon. J'ai pris dans le basique aussi. Après ça, direction mon appartement où je me suis préparer. J'ai bien pris le temps de m'apprêter. Je lui ai sorti un exemplaire relié tout neuf de mon roman que je signe. Pour Ana-Lucia, ce roman ne vaudra probablement jamais rien, mais j'espère pourtant qu'il vous transportera au temps de Versailles. Simple, sans trop de chichi bizarre, qui peut être mal interprété. Vers dix-sept heures, je monte en voiture. Direction notre lieu de rendez-vous. C'est devant un espèce de café. C'est à quelques rues de chez elle. Je sais où elle habite, évidemment... mais elle ne sait pas que je sais. Elle m'attend, sur le trottoir. Vêtue de corail. Elle est vraiment très belle. Je me gare et sors de la voiture. « Bonsoir... vous êtes très joli, si je puis me permettre. » Je lui fais un léger sourire en lui offrant le bouquet avant de lui ouvrir la porte. Elle monte et je me replace côté conducteur. Je conduis jusqu'à un quartier un peu aisé, et me gare dans un parking d'un restaurant un peu... chic. J'ouvre une nouvelle fois la porte à Ana et l'aide à sortir en lui proposant ma main. Je réfléchis à lui offrir le roman pendant le repas... et finalement, je me dis que je lui donnerais lorsque nous nous quitterons à la fin de la soirée. Je lui propose mon bras et nous entrons dans le restaurant. « J'ai une réservation pour deux au nom de Dupré, s'il vous plait. » Le maître d'hôtel nous conduit jusqu'à notre table. Je regarde Ana, elle est vraiment très belle. Encore plus que je ne me l'imaginais. Ses yeux sont hypnotisant. « Ca fait peut-être un peu tout much, le restaurant... j'en suis désolé. J'ai été étonné de ne trouver que peu de bons restaurants, dans cette ville. » (photo ici)

J'attendais Nathaniel quelques pâtés de maison plus loin que mon appartement. J'étais toujours méfiante, quoiqu'il en soit. J'tais vêtue comme j'avais envie d'être moi, parce que j'avais enfin envie d'être moi. La raison du pourquoi, je n'en savais rien. Je portais une robe corail et des talons. Et ça, fallait le marquer d'une pierre blanche.
Il arrivait, sorti de la voiture avec un bouquet de gerbera oranges, drôle de choix enfin, je le remerciais en le prenant et entrant dans la voiture. En tout cas, sans le vouloir ces fleurs allaient avec ma tenue. Il m'a dit que j'étais jolie. J'y réfléchissais dans la voiture, alors qu'il conduisait jusque dans un quartier assez aisé pour un restaurant assez chic. Je souriais en coin. J'aimais vraiment ces endroits. Enfin je cachais encore un peu mon enthousiasme, toujours les fleurs en main je pris la sienne pour sortir, une main douce et réceptrice. J'eue une sensation étrange. Nous rentrons dans le restaurant et il prend la réservation, nous allons à table. Je posais mes fleurs, un serveur vint les mettre en vase. Merci beaucoup lui dis-je en adressant un sourire, de politesse certes mais rare. J'aimais l'endroit où nous étions, et pourtant il me regardait puis s'en excusa, pensant que pour moi c'était trop. Je le rassurais tout de suite, en le coupant presque dans sa parole. Oh j'adore ce genre d'endroits. Allant au restaurant, autant aller dans un vrai et bon restaurant, non? dis-je en souriant faiblement. Il allait falloir que je me contrôle fortement. J'ai été élevée dans un esprit où il faut profiter de ce qu'on a tant que l'on peut avouais-je ensuite pour qu'il comprenne pourquoi j'avais une telle pensée, sans trop lui dire non plus.

Elle est détendue. Enfin, je crois. Elle est tellement difficile à comprendre... d'habitude, lorsque je me mets à séduire une femme, je sais toujours comment me comporter pour que cela marche. Pour elle... c'est totalement autrement. Je ne peux juste pas. Elle se ferme tellement. Pourtant, je prends son acceptation à un rendez-vous comme un premier pas vers une petite brèche en direction de la véritable Ana. Je m'excuse de lui infliger un restaurant aussi luxueux pour ce qui n'est pas sensé être un rendez-vous galant, mais elle me coupe aussitôt. Elle aime ce genre d'endroit. Bien joué, Nathan. Tu es doué, même sans le vouloir. Tu t'améliores. Sa phrase suivante me frappe comme une gifle. Je souris, un peu bancal. Pour cette fois, ce n'est pas un jeu. Je ne joue pas sur ce sujet là. Jamais. « Je pense... que nous avons eu la même éducation. La vie m'a aussi appris à profiter de ce que j'avais... avant qu'il ne soit trop tard. » Je baisse les yeux et joue nerveusement avec la pointe de mon couteau. J'avais beau avoir seulement huit ans, la scène que j'ai vu de mes parents assassinés à coup de hache par un sociopathe ne m'a pas laissé indemne. Quoi que les psychiatres aient pu me faire. Je ne sais pas si elle connait mon histoire. Elle a surement fait des recherches sur moi. Elle est flic, donc ce serait logique. Et l'histoire des Dupré n'est pas passée inaperçue, évidemment. Soudain... je me rends compte que sa phrase ressemble tellement à mon idée de la vie... aurait-elle également perdu des proches ? Dans quelles circonstances ? J'espère qu'un jour, elle me le dira. Je l'espère.

Cela faisait tellement longtemps que je n'ai pas pensé à mes parents. J'essaie d'y penser le moins possible. Sinon, je n'aurais plus de vie. Plus aucune vie. Je me racle la gorge pour faire partir ce sentiment désagréable. « Cela vous dit du Champagne ? »